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Expulser les prisonniers marocains vers le Maroc

14 avril 2007

Zoé Genot, députée ECOLO interroge la Ministre de Justice.


Avant, des détenus pouvaient être transférés vers les prisons marocaines avec leur consentement. Le protocole signé par la Ministre Onkelinx PS permet maintenant ce transfert sans le consentement du prisonnier. Inquiétant mais concernant des détenus marocains hors certaines conditions. Inquiétant aussi vu les conditions de détention dans certaines prisons marocaines, encore bien pires qu'ici...

Chambre des Représentants – Commission de la Justice
Réunion du 11 avril 2007 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 51 – COM 1267)
04 Question de Mme Zoé Genot à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur "la convention signée avec le Maroc en matière de prisonniers" (n° 14988)

04.01  Zoé Genot (ECOLO):
Monsieur le président, madame la ministre, une convention a été signée le 7 juillet 1997 entre la Belgique et le Maroc. Elle porte sur l'assistance aux personnes détenues et le transfert des personnes condamnées.

À l'occasion de votre visite au Maroc, le 19 mars 2007, vous avez signé avec votre homologue marocain un protocole additionnel à ladite convention. Nous ne disposons pas de ce protocole, raison pour laquelle celui-ci suscite beaucoup d'inquiétudes. Vous est-il possible de transmettre ce protocole additionnel au parlement?

Suivant la presse, ce protocole modifierait un aspect de la convention. Ainsi, le consentement des prisonniers transférés vers les prisons marocaines ne serait plus requis, contrairement à ce que prévoit la convention actuelle. Confirmez-vous que l'accord du prisonnier ne serait plus nécessaire pour son transfèrement?

Par ailleurs, pourriez-vous nous dire quels sont détenus effectivement concernés par le protocole additionnel? Seuls les détenus ne disposant pas d'une carte de séjour légale seraient concernés.

La presse a également fait état du fait que le critère des attaches durables entrerait en ligne de compte. En quoi consisterait ce critère? Je rappelle qu'en matière de droit des étrangers, il est difficile de faire valoir ce critère. Bien souvent, des familles qui résident dans notre pays depuis cinq, six voire sept ans, n'arrivent pas à faire valoir ledit critère pour être régularisées et sont finalement expulsées. Il s'agit donc d'un critère particulièrement flou.

Un ou une détenu(e) ayant une ou un conjoint(e), un parent direct ou un enfant résidant légalement en Belgique peut-il être transféré? On a tous entendu parlé des nombreuses familles qui ont été divisées par la double peine. Je ne voudrais pas voir ce scénario se répéter.

Quelles sont les conditions pour sélectionner les détenus concernés?
Combien de détenus actuels pourraient-ils être concernés par la mesure?

En outre, la situation des prisons marocaines semble parfois assez précaire. Ainsi, suivant un rapport de "Human rights watch" de Genève, il est question de surpopulation dans certaines prisons atteignant 600%. Ainsi, il y aurait un lit pour six détenus dans la prison d'Al Hoceima. Les prisonniers ne disposent même pas de suffisamment de  place pour s'étendre et doivent passer certaines nuits debout. Il est donc manifeste que la situation est assez précaire dans toute une série de prisons marocaines.

Madame la ministre, j'ai lu que vous justifiez ces transferts par une volonté de mieux préparer la réinsertion. La Belgique prévoit-elle des moyens pour soutenir les prisons marocaines? Envisage-elle de mettre sur pied des projets de réinsertion?

La droite et l'extrême droite, surtout flamande, ont souvent réclamé de telles mesures. Quelles sont les raisons qui ont poussé la ministre à négocier un protocole qui élimine la condition d'accord de la personne?

04.02  Laurette Onkelinx, ministre: Madame Genot, c'est sans aucun problème que je transmettrai le projet de protocole au parlement. Je l'ai d'ailleurs déjà transmis au service de la présidence afin qu'il figure sur le site de la commission de la Justice.

Bien entendu, ce texte sera soumis au parlement pour ratification dans le cadre d'un projet de loi qui sera déposé par le ministre des Affaires étrangères.

Dans le cœur de ce projet, le transfèrement du prisonnier n'est plus conditionné à son accord, même si d'après l'article 5bis, § 3, l'État de condamnation recueille l'avis de la personne condamnée et en tient compte dans sa décision. Cela procède d'une tendance internationale. Un instrument similaire existe depuis 1997 au Conseil de l'Europe et un autre plus ambitieux – puisque ne nécessitant pas dans certains cas l'accord de l'État d'exécution – vient de recevoir l'accord politique des Vingt-sept. Seuls sont concernés les détenus faisant également l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une remise à la frontière (article 5bis, § 1er). 

Pour répondre à votre quatrième question, les critères définissant des attaches durables sont d'abord ceux repris dans notre loi de 1980 sur le séjour et qui ont été étendus par la loi du 26 mars 2005. Ces critères sont encore étendus dans l'accord. Vous verrez qu'on ne peut pas parler de double peine. Une rumeur circule à ce sujet mais elle est totalement dénuée de fondement.

Donc, loi de 1980, extension par la loi du 26 mars 2005 et nouvelle extension des critères dans l'accord par ce qui suit: "Né dans l'État de condamnation, qui y soit installé à un âge ne dépassant pas 12 ans et qui y séjourne depuis, bénéficiant du statut de réfugié, ayant séjourné de manière ininterrompue sur le territoire de l'État de condamnation pendant cinq années, exerçant avant la décision d'expulsion dans l'État de condamnation une autorité parentale en sa qualité de père, mère, de tuteur légal vis-à-vis d'au moins un enfant séjournant de manière habituelle dans l'État de condamnation, répondant à toutes les conditions à même de lui octroyer la nationalité de l'État de condamnation, lié à un citoyen ou une citoyenne de l'État de condamnation par un acte de mariage conclu avant la décision d'expulsion, dont le père ou la mère réside de manière habituelle et régulière dans l'État de condamnation, qui lors d'un séjour habituel dans l'État de condamnation a été victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ou qui bénéficie d'une rente viagère de l'État de condamnation, qui lors d'un séjour habituel dans l'État de condamnation est atteint d'une maladie grave ou dont la prise en charge ne peut s'effectuer dans l'État d'exécution".

En outre, l'État de condamnation peut apprécier le fait que selon lui, la personne condamnée résidait habituellement sur son territoire au moment de son arrestation pour ne pas engager une procédure de transfèrement, ce qui élargit encore l'ensemble des critères que je viens de citer.

J'ai répondu à votre cinquième question. Pour la sixième, on identifie les détenus marocains ne possédant pas la nationalité belge et dont la condamnation est définie à qui il reste encore au moins un an de détention – c'est une condition établie par la convention de 1997 du Conseil de l'Europe. De ce groupe, on exclut après consultation de l'Office des étrangers les personnes ne faisant pas l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire et on applique enfin les critères d'attaches durables. Cela concerne potentiellement une soixantaine de détenus.

Enfin, vous avez raison de souligner que ces transferts doivent permettre une meilleure réinsertion des personnes condamnées. C'est d'ailleurs le principe qui a fondé la Convention du Conseil de l'Europe de 1997.

La Belgique soutient, indépendamment du présent accord, des projets de nature à améliorer la réinsertion des détenus au Maroc. J'ai proposé à mon collègue des Affaires étrangères de soutenir financièrement l'extension d'un de ces projets, porté par la fondation Mohammed VI et axé sur la construction de centres de formation professionnelle pour prisonniers. Des coopérants belges au Maroc avaient en effet attiré mon attention sur ce projet.

Au-delà de cela - cela n'a rien à voir avec la politique belge en la matière -, le ministre de la Justice marocain m'a signalé la construction actuelle de bâtiments pénitentiaires beaucoup plus adaptés à un travail d'accueil et de réinsertion des détenus.

04.03  Zoé Genot (ECOLO): Madame la présidente, je remercie la ministre de mettre le protocole à la disposition du parlement. On pourra ainsi ouvrir la discussion sur la base d'un texte clair et non sur des articles de presse et des rumeurs.

Une série des conditions en matière d'attaches durables, d'attaches familiales et autres me paraissent intéressantes. Toutefois, je réserve mon avis après lecture du document.

Je reste tout de même inquiète quant à la situation des prisons au Maroc. En effet, même sur le site des Affaires étrangères belge (diplomatie.be), on dit clairement: "Ajoutons que les conditions de détention dans les prisons marocaines sont difficiles". On se rend compte que la situation dans les prisons belges est loin d'être idyllique mais là-bas, elle est particulièrement difficile. Le fait de transférer des détenus ne peut en aucun cas se faire à la légère.

Zoé Genot, députée fédérale ECOLO
rue de Louvain 21, 1008 Bruxelles
tel 02.549.90.59, fax 02.549.87.98, zoe.genot@ecolo.be

http://www.ecolo.be/vip/z.genot 
http://www.saint-josse.ecolo.be






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